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Le projet BERCY-CHARENTON: une idée pharaonique sans visibilité, un ghetto entre rails, Seine et périphérique

Rappel du contexte politique :

bercy_charenton.jpgA Paris plus de 70 000 logements sociaux ont été créés de 2001 à 2014, presque en totalité par préemption. Ce chiffre doit doubler dans la prochaine mandature municipale. L’objectif affiché de la Mairie de Paris était d’atteindre dès 2014  le seuil des 20 %  fixés par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU). La mairie s’est maintenant fixé l’objectif d’atteindre les 30 %. Les préemptions continuent pour pallier au manque de foncier disponible dans Paris. Dans notre arrondissement nous avons eu 220 immeubles préemptés pour 3785 appartements transférés du parc privé au parc de logements sociaux de la Ville de 2001 à 2014, et cela continue !

Le discours de la mixité est toujours présent dans les thèmes de la Mairie pour nous expliquer que le projet est équilibré entre les différents intervenants sur la zone, en ce qui concerne les activités, les commerces et les logements. La mixité s’entend aussi pour nous comme une exigence sociale avec un équilibre à trouver entre les populations, pour permettre une harmonie sociale, ce dont la Mairie ne s’occupe pas.

Le site dit de Bercy-Charenton doit délivrer 4000 logements dont 60 % de logements sociaux dans la zone de Bercy déjà largement pourvue.

Ce projet comprend l’édification de trois tours dont une de grande hauteur réunies sur une petite surface de 13 hectares. La distribution des logements sociaux entre les différents bâtiments de la ZAC n’est toujours pas communiquée.

Il s’agira donc de tours qui auront vocation à devenir des tours ghettos comme cela se faisait dans les années 1960, et qui ont été détruites, pour la plupart, depuis.

Nous comprenons bien que la Mairie socialiste de Paris a une politique de récupération d’électeurs au moyen de la gestion du foncier. En construisant ou en récupérant par préemption des logements sociaux, la Mairie favorise ce qu’elle estime être sa clientèle potentielle, et favorise la hausse des loyers et le départ des classes moyennes. En effet, la Mairie ne produisant par préemption pas ou très peu de logements de type intermédiaires, les ménages qui ont des revenus supérieurs aux plafonds HLM sont obligés de se loger dans le privé qui devient extrêmement concurrentiel et dont les loyers montent sans cesse.

La gauche favorise ainsi directement la hausse des prix de l’immobilier… et le départ de ceux qui ne peuvent plus se loger… et donc le départ de ceux qu’elle considère comme trop « riches » pour pouvoir se loger…  

Cela étant 60 % de logements sociaux c'est-à-dire 2400 logement sociaux dans le prolongement de la rue Baron Le Roy c’est beaucoup, compte tenu du nombre de logements sociaux existants et des logements assimilés des autres bailleurs dans le quartier ; de plus, la possibilité d’affecter des logements sociaux dans des tours n’effraie pas la Mairie de Paris, malgré les nombreux problèmes que cela pose, dixit Madame Hidalgo.

Le promoteur indiquait d’ailleurs que le mélange des genres, à savoir logements et bureaux, hôtels n’est pas facile à réaliser ! On le comprend !

IMG_0273.JPGNous nous trouvons devant un projet qui ne répond pas aux attentes des citoyens pour des raisons diverses et variées :

- Des constructions de grandes tours. Les citoyens ne sont pas favorables pour de multiples raisons à l’édification de ces constructions, malgré une concertation avec les habitants. Les pétitions et les associations qui se prononcent contre le projet le prouvent.

- Des logements sociaux dans des immeubles de grande hauteur. Des logements sociaux seront construits dans ces tours de moyenne ou de grande hauteur avec tous les problèmes sociaux et sécuritaires dus aux effets de concentration.

- L’ignorance des critères intégrants de la mixité sociale ; s’agissant d’une mairie socialiste qui intervient sur l’opération c’est quand même très préoccupant !

- Une inadéquation avec les besoins du quartier. La désaffection des entreprises pour la location de bureaux dans le quartier est connue de tous avec le triste exemple de l’immeuble Zeus ou Lumière, présent sur le site, qui peine depuis des années à trouver des entreprises locataires de ses bureaux.

- La trentaine d’ateliers d’artisanat et de commerce qui occupe l’ancienne gare souterraine appelée aujourd’hui la Halle Râpée Inférieure devra cesser son activité sans pouvoir, pour nombre d’entre eux, retrouver des baux accessibles. Certains seront obligés de rejoindre l’ANPE. Les artisans du site ont constitué le collectif Baron Le Roy.

- La mise en place d’un projet de construction pharaonique sans visibilité commerciale pour les surfaces de bureaux entre rails Seine et périphérique n’améliorera pas la qualité de vie du quartier. L’augmentation de la densité de population au mépris de la mixité sociale est projetée pour des raisons électorales car notre arrondissement est un enjeu sensible à Paris.

Des inconvénients de toutes natures sont également à relever avec des constructions hautes, à savoir :

  1. Un coût élevé de construction ce qui est paradoxal compte tenu de certains investissements nécessaires non réalisés par la Mairie en matière d’urbanisme (projet de couverture du périphérique). En moyenne, le coût de la construction en France d'un bâtiment (hors logement) s'établit à 1.283 euros HT/m2, selon les données de l'Insee. Mais, contrairement à ce qu'on pourrait penser, il n'y a pas d'économie d'échelle avec les grandes tours. C'est même tout le contraire. Plus on construit haut, plus cela coûte cher. Construire deux tours de 50 mètres coûtera ainsi presque deux fois moins cher qu'une seule tour de 100 mètres.
  1. Un gaspillage énergétique dans une période plutôt axée sur les économies en la matière. Des constructions de grandes hauteurs ne répondent pas aux critères écologiques élémentaires en matière de construction et ne correspondent pas à une utilisation écologique satisfaisante des locaux par les résidents.
  1. Le problème est aussi également économique car il faut que le projet présente des perspectives viables en termes d’occupation pour justifier de son utilité. A la Défense, qui concentre la plus grande partie des grandes tours de la région Ile-de-France, le m2 est plus cher qu'à la périphérie de Paris. Les charges dans ces grands édifices, très énergivores, découragent aussi plus d’un propriétaire ou plus d'une entreprise. Ensuite, il faut vérifier si le marché est porteur, ce qui ne semble pas être le cas, malgré la fameuse théorie du rééquilibrage est/ouest vantée par la Mairie.
  1. Des difficultés de circulation des personnes, posant problème pour leur évacuation et l'accès des secours. Les architectes reconnaissent que la cohabitation de logements et de bureaux dans des édifices verticaux est problématique (problème soulevé dès 1974 dans le film La Tour infernale et vérifié lors des attentats du World Trade Center, le 11 septembre 2001). Cette préoccupation existera tant que l’on ne connaitra pas l’affectation des logements sociaux dans la ZAC.
  1. Une modification climatique sur les quartiers avec des vents turbulents et des problèmes dus à l’ombrage porté par ces immeubles sur leurs voisins.
  1. Une utilisation moins efficace de l'espace après 5 à 7 étages due à des espaces nécessaires aux services (escaliers, ascenseurs, gaines de ventilation, gaines électriques, toilettes, etc.).
  1. Une coordination difficile à réaliser et coûteuse s’agissant d’édifier des étages résidentiels et de bureaux dans les mêmes immeubles.

Parc-de-Bercy-©-Philippe-Charles.jpgNous sommes également devant un projet d’arrondissement qui ne s’inscrit pas dans le marché et qui présente des insuffisances notoires, au niveau de la Ville, de l’Arrondissement et au niveau de la circulation parisienne, à savoir :

-  Mise en place d’un projet qui ne répond pas à une demande matérialisée par des études rendues publiques sur le secteur Est de Paris en termes de location de bureaux. Les slides de présentation notait au sujet de l’ingénierie économique que la question de la génération de la valeur et l'équilibre de la relation coût-gain sont des fondamentales. Il s’agit donc d’un projet qui ne doit pas coûter à la Mairie et, qui doit pour cela, être rentable en termes d’occupation et attirer les investisseurs. Cela veut dire aussi que les fonds publics ne sont pas là et qu’il faudra se débrouiller avec les investisseurs.

Ces indications disponibles sur le marché ne devraient pas permettre la réalisation d’un projet de bureaux d’une ampleur de 215 000 m2, qui représente globalement la totalité de l’offre hors Paris Centre Ouest. De plus construire 215 000 m2 de bureaux dans un secteur qui concentre une offre inférieure à 30 000 m2 (12 et 13ème arrondissement compris) est un pari sur l’avenir bien hasardeux.

Le nombre de m2 de bureaux proposé à l’offre dans le projet est donc en inadéquation avec le marché, ce qui aura une conséquence sur la rentabilité de l’opération.

La Ville de Paris qui s'est engagée dans un processus global d'études et de concertation depuis 2010 sur le projet Bercy-Charenton devrait revoir sa copie en regard des possibilités réelles du marché en matière de location de bureaux. En face d’un échec prévisible la Ville pourra toujours convertir les bureaux non occupés en logements sociaux pour améliorer ses scores électoraux car cela elle sait faire !

- Nous remarquons également qu’une offre de qualité en bureaux ne se réalise pas dans un secteur de logements sociaux. L’importance du nombre de logements sociaux dans le secteur créera des ghettos qui ne sont souhaités par personne, et le mélange de logements sociaux et de bureaux n’est pas un critère favorisant l’opération.

En principe les tours donnent dans le haut de gamme avec bureaux, hôtels et logements de luxe pour assurer une meilleure rentabilité.

Nous sommes également devant un projet d’arrondissement qui ne s’inscrit pas dans une perspective de développement dans le cadre du Grand Paris ou de Paris Métropole. Le projet ne s’inscrit pas, de plus, dans le marché et présente des insuffisances notoires, au niveau des besoins de développement économique de l’arrondissement, en regard de son intégration dans le quartier, en matière de voirie sur site, et dans une perspective de fluidité de la circulation du futur Grand Paris, à  savoir :

- Pas de réfection de l’échangeur de la porte de Bercy qui nécessite une reconfiguration générale pour des raisons de fluidité de la circulation.

- Une forte densité de circulation sur la rue Baron Le Roy avec un goulot d’étranglement sur la place Lachambaudie avec le tunnel de la rue Proudhon accessible sur une seule voie.

- L’intégration dans le projet du quartier touristique du Cour Saint-Emilion et du Musée des Arts Forains n’est pas réalisée dans le projet. Le quartier d’affaires et le quartier social que la Mairie veut créer étoufferont le quartier touristique de Saint-Emilion.

- Aucune voie de bus nouvelle ne pénètre dans le nouveau quartier pour le relier au cœur de Paris ou assurer les transferts entre Bercy et Charenton.

- Les passerelles sur voies ferrées se présentent comme des zones potentielles fortes d’insécurité.

- L’absence d’une passerelle sur la Seine entre Charenton et Ivry est observée et réclamée par les riverains.

- L’absence de nouveaux parkings publics dans un tel quartier de commerces et de bureaux sera un handicap pour le développement de l’activité du nouveau quartier. Ces problèmes de parking sont récurrents sur Bercy-Saint-Emilion compte tenu des activités de l’Arena de Bercy, de la Cinémathèque et de la future salle de sport à construire (projet adjacent à l’Arena).

Les slides de présentation de la réunion du 28 novembre 2011 de la Mairie nous avaient annoncé « un processus participatif = durabilité » ! Le projet Bercy-Charenton n’est pas un projet de ville mais un projet politique totalement irréaliste qui ne correspond pas aux critères essentiels qui doivent s’élaborer pour la construction d’un nouveau quartier durable. Un quartier durable est un quartier qui vit une triple mixité : mixité d’usage, mixité sociale et mixité générationnelle. Pour l’instant le projet ne met en avant que la seule mixité d’usage.

Est aussi généralement qualifié de durable, un quartier dit vert, comportant des logements neufs, chauffés majoritairement aux énergies renouvelables, des bureaux HQE, et des espaces publics généreux. Dans ce domaine, malgré quelques efforts du promoteur pour relier les parties vertes, les constructions hautes seront inadaptées car énergivores.  

Le projet Bercy-Charenton n’est pas un projet viable qui peut convaincre de nombreux investisseurs dans l’immobilier d’entreprise compte tenu du marché de bureaux dans la capitale. Le « financement du projet et sa livraison dans le temps aura un impact sur sa forme physique » nous annonce-t-on également ce qui veut dire que si les investisseurs ne répondent pas présents le projet sera graduellement amputé de certaines de ses composantes pour s’adapter aux montants des financements. Cela signifie aussi que le projet devra faire l’objet d’une réalisation rapide (immeubles de grande hauteur) pour permettre aux investisseurs d’avoir un retour rapide sur financement et éviter de s’endetter dangereusement.

La Mairie qui préempte une quantité importante de vieux appartements et de vieux immeubles pour en faire des logements sociaux ne peut plus réaliser des projets de quartiers nouveaux (voirie, équipements) faute des fonds nécessaires compte tenu de l’état de ses finances. La Mairie qui remplace les promoteurs privés à l’occasion de ces préemptions ne dispose plus de la puissance financière nécessaire à  l’édification de quartiers nouveaux ce qui est regrettable et pose la question de l’orientation de la politique de l’habitat de la Ville.   

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